Je mettais une dernière épingle dans mon chignon et je me regardais dans le miroir. Je tournais la tête de gauche à droite afin de m’assurer qu’aucune mèche de cheveux ne dépassaient. C’était parfait, j’étais assise devant ma coiffeuse, tout était silencieux dans la pièce. Mon “mari“ était de sortie. Avec qui et pour combien de temps, je n’en avais aucune idée. Nous ne vivions plus du tout comme un couple depuis des années. J’avais fini par m’y faire d’ailleurs. Ma femme de chambre déposa mon manteau sur le lit et je me retournais pour lui faire face. « Merci Rosa, vous pouvez disposer. »

Je me levais et j’allais mettre mon manteau, j’y rajoutais une paire de gants et je ne prenais pas ma bourse.  Je n’en avais pas besoin. Non, je n’allais pas voir mon amant, j’allais voir un homme qui était devenu un excellent ami et avec qui je passais la plupart de mes soirées, il s’appelait Bolton Clifford. Nous enquêtions sur les meurtres qui sévissaient dans la ville. On avait tout un tas de théorie sur qui était responsable de tout ça, mais pour le moment, on avait pas encore trouvé le responsable. J’arrivais rapidement devant chez lui.

Je frappais trois fois et je rentrai, de cette manière, il savait que c'était moi. Je retirais mon manteau et mes gants. J’allais ensuite préparer notre plateau du soir, Je servais un verre de whisky pour lui et du thé pour moi avec les petits biscuits que l’on mangeait souvent. La nuit allait certainement être longue, mais après tout, je n'étais pas attendue. « Bonsoir Bolton. » Oui, je l’appelais par son prénom. Nous étions juste entre nous et s’était quelque chose que j’avais tout à fait le droit de faire depuis le temps que l’on se connaissait.

Je poussais la porte de mon bureau, qui avait pignon sur rue, portant un long manteau de laine bouillie, assorti à un costume trois pièces, un chapeau melon sur la tête. La pluie n'avait cessé de tomber depuis ce matin, comme ils sont tristes les premiers jours de Printemps... En entrant, je reconnus le son de la porcelaine qui tinte, et entrant dans mon bureau, je vis la robe richement parée, et la coiffure bien épinglée de la Vicomtesse. Je poussais un soupir, elle devait avoir fort à dire depuis quelques semaines.

- Vicomtesse... Dis-je simplement, avant de retirer chapeau et manteau que j'accrochais sur un porte manteau.

Je soupirais de nouveau posant le journal plié sur mon bureau, émettant un léger claquement.

- Qu'avons nous aujourd'hui ? Demandais-je sans réellement le demander, elle savait et j'en savais un peu plus sur certaines affaires en cours. Voyons voir la jeune Lady Langoford est rentrée sauve chez elle, nous avons encore 3 disparus en ville, les manifestations d'hier ont été particulièrement vives, et mon enquête sur Hart semble au point mort... Et vous Ma Dame, qu'avez vous entendu ?

Je me positionnais près d'elle, pour attraper le verre qu'elle me tendit, la remerciant en abaissant la tête.

- Je pensais vous voir venir bien avant ce jour, où étiez vous passée ?

L'idée avait traversé mon esprit, qu'elle en eut assez de dessiner des plans sur la comète, pour définir qui avait quoi d'horrible en ce bas monde. Mais non, la revoilà, pimpante et apprêtée, ayant apporté biscuits, whisky et thé pour satisfaire nos deux palais.

J’haussais un sourcil. A peine entré, il avait déjà soupiré au moins deux fois. Est-ce qu’il s’était levé du pied gauche ce matin ? Je lui donnais son verre et je m’asseyais en face de lui pour pouvoir boire tranquillement mon thé. J’avais clairement envie de lui balancer ma tasse à travers la figure. Pourquoi me parlait-il aussi mal ? Il osait me demander où j’étais passée ? Non mais est-ce que tout ceci était sérieux ? Je posais doucement ma tasse sur la sous-tasse et je posais le tout sur la table. Je posais ensuite mon regard sur lui.

« Je peux savoir ce qu’il vous prend de me parler de la sorte ? Aux dernières nouvelles, nous ne sommes pas mariés Monsieur Clifford, et vu comment vous me parlez, je dois dire que je me sens relativement chanceuse. » Je reprenais calmement ma respiration afin de réfléchir avant de parler. Car sous l’état de la colère, on peut dire des choses que l’on regrette parfois et je ne voulais pas dégrader la situation d’avantage. « J’étais avec Lady Langoford. J’essaie de comprendre ce qui lui est arrivé, mais elle a été vraiment traumatisée par ce qui lui est arrivé et la faire parler demande du temps et de la patience. »

Elle me remet à ma juste place, et elle a bien raison de le faire, si la vicomtesse s'est prise de passion pour els intrigues à faire froid dans le dos, et les élucubrations mondaines à résoudre, et qu'elle le fait dans mon bureau depuis 4 ans déjà, ce n'est pas par amitié ou intimité créée, mais par un sens de la justice qui lui est propre. Son mari la délaisse tant et plus, et d'aucun dirait qu'elle trouve réconfort dans d'autres bras... mais pas les miens, nos relations sont touchées par la fée de la justice et rien d'autres.

- Vicomtesse, pardonnez moi, la journée fut longue... je suis épuisé. Avez vous pu parler à Bertha Langford ?

Mon entretien propre avec elle, avait été des plus étranges, connue pour être bavarde et joyeuse, je l'ai trouvé absente et perdue. De constitution faible et fragile, elle est en plus de cela extrêmement pâle toute la journée durant et semble accordée beaucoup de place au néant, qu'elle observe continuellement. Elle ne se souvent vraisemblablement de rien, n'avait pas conscience que 4 semaines s'étaient écoulées, et ne souvient pas du sang séché sur sa toilette.

- Oui il m'a semblé qu'elle était habitée par quelque chose que je ne comprends guère. Son teint a toujours été aussi pâle de votre mémoire ? Elle m'a fait l'effet d'un fantôme... si tenté que la chose puisse être. Elle ne se souvient pas du sang, pourtant sa toilette en était recouverte, et comment une dame a pu rester 4 semaines dans la même toilette... Cette affaire me semble bien plus étranges encore que celle de la putain de la tamise.

J'avais demandé l'avis précis et efficace de mon ami Baylor Fitzroy, lui aussi détective, pour m'aider à trouver plus d'indices, plus de pistes aussi, et travailler ensemble sur le dossier.

- Irez vous à leur bal de la Charité Vicomtesse ? Avez vous besoin d'un ami pour vous y rendre ?

Je faisais allusion bien sûr, à la possibilité d'être invité par la Vicomtesse pour m'y rendre.

Je n’étais pas le genre de femme qui se laissait marcher sur les pieds et encore moins par un homme qui n’était pas mon mari. Mon regard avait changé de couleurs sous le coup de la colère et de la déception. Car quand un ami vous parle de la sorte, ça fait mal. Je reprenais une gorgée de thé pour me donner une contenance. Je ne voulais pas m’acharner sur lui d’avantage. Il me présenta finalement ses excuses. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres. Evidemment que je lui pardonnais, je voulais juste qu’il se rende compte de ses propos.

« Ce n’est rien, je vous pardonne. Oui, je veux bien vous croire.  J’essaie justement, mais ce n’est pas évident, car comme je vous l’ai dit, elle a vraiment été très traumatisée par ce qui lui est arrivé. J’y vais donc doucement car je ne veux pas qu’elle se renferme sur elle et qu’elle ne dédaigne plus m’adresser la parole. Donc j’y vais doucement, un peu comme un animal sauvage que l’on essaie d’apprivoiser.»

Ma pauvre Bertha, je ne l’ai jamais vu dans un tel état et j’en arrive à me demander si elle redeviendra normal. Car certains traumatismes vous suive toute la vie. Pour moi, il est clair que cette dernière ne sera plus jamais la même. Heureusement, son mari tient à elle et je sais qu’elle ne se fera pas interner dans un hôpital psychiatrique où elle finirait très probablement par se suicider. Je secouais négativement la tête à sa question.

« Non, je ne l’ai jamais vu aussi pâle. C’est comme si elle vivait dans la peur en permanence. J’ai d’ailleurs peur que l’on ne puisse rien en tirer et toute cette affaire me contrarie grandement. Car je ne sais pas par quoi commencer nos recherches. Le fait qu’elle ne se souvienne de rien ne nous rend pas vraiment la tâche plus facile. »

C’est vrai que le bal approchait à grand pas. Je ne me doutais pas qu’elle voudrait quand même y être, mais Bertha était plus forte que tout le monde pensait et elle voulait montrer qu’elle était de retour tel le phoenix qui renaissait de ses cendres.

« Je vais y aller avec mon mari, mais vous pouvez tout à fait vous joindre à nous. »