| Dim 16 Juil - 18:18 | Lucy... Earnest ne l'avait jamais connu avant aujourd'hui. Du moins physiquement. Il ne l'a connue que sous forme de croquis dessinée de la main non-habile de Charles. Il savait juste voir qu'elle était blonde avec quelques reflets roux. Dans ses dessins, Charles faisait plus des traits... Grossiers et bien épais. A la fin, c'est simple, il ne restait qu'une silhouette noire et difforme avec quelques traits de couleur par-ci, par-là. Il a gardé une des œuvres de Charles, peut-être devrait-il l'offrir à Lucy ? Ne risque-t-elle pas de se vexer devant son portrait si... -comment dire cela- flatteur ? En effet, cela ne peut pas être plus ironique. Il n'en reste, c'est quand même produit par son frère et, bien que le résultat ne soit pas celui escompté, il n'en reste que cela a été réalisé avec beaucoup d'effort. Earnest va le lui offrir, peut-être. Il y a de forte chance. Il va déjà voir si Lucy est disposée à recevoir quelque chose de la part du défunt.
Earnest pense au fait que même si l'être physique de Lucy lui était étrangé, il ne pouvait en dire autant de son caractère. Charles lui a expliqué de fond en comble chaque partie existentielle de sa sœur. Le frère et la soeur avaient été proche, l'un pour l'autre. Le capitaine n'a pas la prétention de penser qu'il connait la renarde, il en sait juste suffisamment pour savoir que la femme à côté de lui est juste... L'ombre de ce qu'elle a été autrefois. Si elle ne se mouvait pas avec autant d'élégance, il aurait pu croire qu'elle était plus morte que vive. Il semblerait qu'à la mort du Renard, une partie de la Renarde est morte avec lui.
-Vous auriez dû être au courant, vous étiez et vous êtes encore le cœur de cette promesse. Vous êtes lié à lui mais également à nous, ses meilleurs amis. Que cela vous plaise ou non, je suis venu pour vous protéger, des autres et... De vous-même. Vous pourriez être des plus infectes que cela ne changera rien, ma décision est prise.
Avant, il n'est pas resté mais aujourd'hui... Il sera là. Comme il aurait du le faire le jour de l'enterrement de Charles. Mais il ne l'a pas fait. Au lieu de cela, il n'a eu qu'une permission d'une semaine, il devait retourner au front après cela. Il est allé voir son père, puis il a eu le temps d'apercevoir Oswald et le Kelpie... Il s'en souviendra toute sa vie. Et sur cette note, le semaine s'est achevée. Il ne dit pas cela à voix haute, non, il n'est pas là pour se morfondre d'excuse. Lucy n'en a guère besoin. Quand bien même la solitude était favorable à son deuil, une épaule pour pleurer dans la solitude n'est jamais refusée.
-Certes, mais c'est justement parce qu'il fut désintéressé que vous ne me devez rien. Je vous dispense donc de cette dite "dette" qui n'a pas lieu d'être.
C'est en rigolant doucement, suivi d'un léger soupire, qu'Earnest ajoute.
-Je vous assure, lady Campbell, qu'il n'y a en mon rang de capitaine, aucun honneur. Puisque je l'ai acquis par la désertion de ce que je fus, de ce que je ressentais... Enterrant dans ces champs de bataille mes sentiments. Les fuyant. Sans prendre garde au fait que des fleurs pousseront aux champs de ruines de mes émotions et que je n'aurai nul choix que de les... Observer dans toute leur splendeur.
Le capitaine ne pouvait parler crûment à cette demoiselle, il ne voulait guère que les chastes oreilles de Lady Campbell soient désabusées par des confessions qui, dans le fond, ne regardent personne, si ce n'est le concerné. Ou les concernés... C'est pourquoi il se permit quelques métaphores afin de préserver la Renarde de termes mal avisées pour des jeunes de son âge.
-Mais soit, assez parlé de ma personne. Pourriez-vous m'en dire plus sur vous, Lady Campbell ? Vos passions, par exemple ?
Il la regarde, elle, adorable dans sa manière d'être. Aux yeux d'Earnest, 19 ans, ce n'est encore qu'une enfant qui se doit de paraître adulte.
-Comme vous l'avez très bien nommé, le chaos règne dans les batailles. La discorde en ces lieux de lutte constant est le seul véritable fléau pendant la guerre. En fin de compte nous savons que tous ceux qui sont morts, de nos mains ou de notre omniscience, ne sont pas si différents de vous et de moi. La seule véritable différence, c'est qu'il a été dit que certains sont nos alliés tandis que d'autres sont nos ennemis. Le bar est, je vous l'accorde, moins agité cependant je sais que la probabilité de mourir sur place est fortement réduite. Le travail de barman me permet d'être... Serein. De plus, les ragots et les potins y vont de bon train. Les bagarres ne sont pas irrégulières. Je n'ai pas l'impression de m'ennuyer pour être honnête. A mes temps perdus, j'imagine la vie de la personne à qui je sers sa bière. C'est fascinant, ce que des comportements, des gestes, des regards, révèlent de nous à notre insu, ne croyez-vous pas ? |
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